Publié le 01 mars 2022
Avec les Jeux Olympiques, l’actualité du dopage n’est jamais très loin
Ce fut encore le cas à l’occasion des Jeux de Pékin en ce mois de février avec le scandale ayant touché la jeune patineuse russe de 15 ans Kamila Valieva.
Tandis que la Russie avait été lourdement sanctionnée par le Tribunal Arbitral du Sport en décembre 2020 en écopant d’une interdiction de compétition internationale durant deux ans (pour dopage institutionnalisé entre 2011 et 2015, donc déjà aux JO de Sotchi – ce que la Russie persiste à nier) voilà qu’à nouveau le spectre de la triche a entaché les JO de Pékin avec le contrôle positif fin décembre 2021 (mais révélé seulement le 8 février après la victoire par équipe) de la très jeune patineuse russe (autorisée comme l’ensemble de la délégation à patiner sous la bannière neutre du comité olympique russe).
Ce contrôle qui aurait pu être révélé bien avant l’ouverture de l’Olympiade est venu perturber le déroulement de la compétition, obligeant le Tribunal Arbitral du Sport à rendre une décision urgente pour autoriser ou suspendre l’athlète. Finalement le TAS a confirmé en pleine compétition olympique la levée de sa suspension provisoire appliquée dans un premier temps par l’agence russe antidopage (Rusada).
Mais la plus haute juridiction sportive ne s’est pas prononcée sur le fond du dossier, ce qui devrait prendre plusieurs mois ; elle a toutefois permis à la Russe de continuer à patiner parce qu' »empêcher l’athlète de concourir aux JO lui causerait un préjudice irréparable » (au cas où l’issue de la procédure la blanchirait définitivement des soupçons de dopage).
En attendant qu’il soit établi si Kamila Valieva s’est dopée ou non, le CIO, bien embarrassé, avait décidé de ne pas remettre les médailles olympiques de l’épreuve si jamais la Russe finissait parmi les trois premières.
Fort heureusement, rien de tout ça n’est arrivé car la Russe a complètement râté son concours individuel….
Cette affaire est l’occasion de faire un point sur les règles des contrôles antidopages sur la période particulière des JO :
Le CIO et les Fédérations Internationales sont signataires du Code Mondial Antidopage et adhèrent à l’Agence Mondiale Antidopage (ITA), structure indépendante suisse de droit privé dont le siège est à Lausanne avec un bureau principal à Montréal.
Hors Olympiade, chaque pays dispose de sa propre institution nationale de lutte antidopage. En France c’est l’AFLD Agence Française de Lutte contre le Dopage une autorité publique indépendante fondée en 2006. Elle dispose des moyens lui permettant de contrôler et sanctionner les conduites déviantes.
L’AFLD suit et accompagne la délégation française sélectionnée aux JO :
- En pratiquant des contrôles en amont dans les mois précédant les JO soit directement soit en collaboration avec les Fédérations Internationales,
- En formant les athlètes sélectionnés aux règles antidopage en vigueur aux JO jusqu’à leur départ pour les jeux (il s’agit d’une formation en ligne et de la remise d’un guide de l’Equipe de France à chaque sportif)
- En collaborant durant les JO avec l’ITA (International Testing Agency) l’Agence Mondiale Antidopage.
Durant les JO, le CIO délègue les contrôles à l’agence mondiale, qui prend naturellement le relais sur les différentes agences nationales.
Pour les Jeux 2022, les contrôles ont été ouverts au CIO dès le 26 novembre 2021 et à l’Agence Mondiale (ITA) jusqu’au 20 février 2022.
Les athlètes n’appartenant pas au groupe cible dans leur pays ont eu l’obligation de fournir les informations de localisation à leur propre comité national olympique (leur date d’arrivée à Pékin, l’adresse de leur hébergement, leur programme d’entrainement, et de compétition, le site de compétition concerné)
Quelles sont les règles applicables ?
On parle de responsabilité objective, car l’athlète est sanctionné dès lors qu’une substance interdite est présente dans son corps, quelle que soit la manière dont elle s’est retrouvée là et quelles que soient les intentions ou l’absence d’intention de tricher.
Toutefois les règles sont plus souples pour les jeunes athlètes avant leur 16ème anniversaire (indulgence dont a bénéficié l’athlète russe), considérés par l’Agence mondiale antidopage (AMA) comme des « personnes protégées » : dans ce cas, les règlements de l’Agence mondiale antidopage sont clairs. La divulgation publique obligatoire requise à l’article 14.3.2 ne sera pas exigée lorsque le sportif ou l’autre personne qui a été reconnu coupable de violation des règles antidopage est un mineur, une personne protégée ou un sportif de niveau récréatif. Toute divulgation publique facultative dans un cas impliquant un mineur, une personne protégée ou un sportif de niveau récréatif devra être proportionnée aux faits et aux circonstances du cas, dit le code mondial 2021 de l’antidopage.
C’est bien le cas de la patineuse russe.
En dehors du cas des très jeunes athlètes, les sanctions réservées tricheurs sont lourdes :
- Annulation des résultats en compétition avec retrait des médailles, points et prix,
- Suspension de participation aux Jeux Olympiques auxquels l’athlète n’a pas encore participé
- Publication automatique des sanctions
- Sanctions complémentaires prises par chaque Fédération Internationale
- En sport collectif, sanction collective pour toute l’équipe.
Quelques exemples de sportifs contrôlés et sanctionnés à l’occasion des Jeux Olympiques :
- JO de 1988 SEOUL Le sprinteur canadien Ben Johnson qui en finale de la compétition pulvérisa le record du 100 mètres en 9.79 secondes, fut, après des analyses sanguines, contrôlé positif au stanozolol, un stéroïde anabolisant. Il restitua sa médaille d’or, et fut suspendu pour deux années, avant d’être radié à vie après une seconde affaire de dopage en 1993
- JO de 2000 SYDNEY voient le sacre de la sprinteuse américaine Marion Jones qui remporte 5 médailles olympiques avant de reconnaître en 2004 avoir pris des stéroïdes au moins à partir de 1999. Des aveux qui lui coûtent ses 5 médailles olympiques
- JO de 2002 TURIN les Jeux sont marqués par le scandale des fondeurs et biathlètes autrichiens. À la suite d’informations obtenues par le CIO, les policiers italiens font une descente dans leur chalet, où ils découvrent un véritable laboratoire de transfusions sanguines. L’enquête de la Fédération autrichienne de ski met en cause le laboratoire Humanplasma, qui reconnaît qu’une trentaine d’athlètes, dont les skieurs autrichiens, ont effectué des prélèvements sanguins dans ses locaux entre 2003 et 2006. Le Comité olympique autrichien annonce en avril 2007 la suspension à vie de six athlètes, à savoir les biathlètes Wolfgang Perner et Wolfgang Rottmann et les fondeurs Martin Tauber, Jürgen Pinter, Roland Diethart et Johannes Eder. Aucun d’entre eux n’avait obtenu de médaille.