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Publié le 12 janvier 2022

Y a-t-il une spécificité de la responsabilité civile en droit du sport ?

Analyser la spécificité de la responsabilité civile en droit du sport peut paraître d’un premier aperçu bien inutile : il n’existe pas à proprement parler de régime juridique spécifique de la responsabilité civile en matière sportive.

Ce sont les règles de droit commun qui s’appliquent…en général !

Toutefois l’activité sportive expose souvent ses participants à des risques particuliers. Et les dommages en sport peuvent être lourds.

C’est pourquoi la responsabilité civile en droit du sport s’est adaptée à la spécificité sportive (I),

Le droit du sport a pris en considération la prise de risque inhérente à la pratique de certaines disciplines en renforçant dans certains cas les obligations pesant sur les organisateurs d’activité physique et sportive (II).

Au contraire, dans d’autres hypothèses, le droit du sport a atténué les cas où la responsabilité civile pouvait être engagée (III).

I – L’adaptation du droit commun de la responsabilité civile à la spécificité sportive :

A) la règle du jeu sportive, plus forte que le droit commun

Chaque pratique sportive est régie par des règles définies par la Fédération française dont elle dépend ; ce sont les règles du jeu sportif, qui vont préciser ce qui est autorisé ou interdit, ce qui permet ou non de remporter une épreuve, etc.

On pourrait penser que la règle du jeu ne sert qu’à « préciser », donc à ajouter des détails aux règles habituelles de comportement dans la vie de tous les jours. Mais ce n’est évidemment pas que cela.

Il est des domaines où le droit commun se voit complètement écarté au profit de la règle du jeu qui le supplante et en exclut même l’application.

Tel est le cas des sports de combat, dans lequel les violences volontaires vont non seulement écarter l’application du droit pénal, mais également celle du droit de la responsabilité civile : pas de sanction contre l’auteur d’un coup sur son adversaire même si celui-ci en retire un dommage corporel (tel qu’une arcade sourcilière ouverte), parce que les règles de la boxe permettent cela.

Les actes parfois brutaux auxquels donne lieu un match de rugby ne tombent pas davantage sous le coup de la sanction civile, sous réserve de certaines fautes sur lesquels nous reviendront ci-après.

Ce sera encore le cas en matière de régimes spéciaux : le code de la route ne s’appliquera pas pour les courses automobiles sur route ou sur circuit, etc.

B) le Droit commun de la Responsabilité civile revisité pour « coller » à la spécificité du sport :

Si le droit commun est écarté, il est des cas où il est en revanche revisité pour tenir compte de la pratique sportive et de sa spécificité.

1)  La définition de la faute, condition de la responsabilité civile des organisateurs d’activité physique et sportive ou des sportifs

La faute qui engage la responsabilité civile de droit commun est traditionnellement définie comme « la violation d’une règle de conduite imposée par la loi ou le manquement au devoir général de prudence ou de diligence » ; on évoque comme repère le comportement du « bon père de famille ». S’en écarter peut donner lieu à responsabilité.

En matière sportive, la doctrine a élaboré toute une distinction des fautes (faute de jeu, faute dans le jeu, etc…) avec des degrés variés, et des natures différentes.

La faute sportive, c’est-à-dire celle qui au-delà d’une sanction arbitrale, peut engager la responsabilité civile pour fait personnel ou d’autrui doit répondre à une autre exigence :

L’imprudence ou la maladresse ne suffisent pas à caractériser cette faute pouvant engager la responsabilité civile délictuelle d’un sportif (ou de son club) envers un autre sportif.

En droit du sport, si la violation d’une règle du jeu est la condition nécessaire à l’engagement de cette responsabilité, il appartient à la victime de prouver en outre un comportement caractérisé, un geste condamnable, qui ne corresponde pas à celui qu’aurait adopté un sportif normalement avisé confronté à la même situation, peu importe du reste qu’il y ait eu ou non sanction arbitrale.

Ce peuvent être des « brutalités volontaires, des comportements contraires à la loyauté du jeu, qui vont au-delà de la violation de simples règles techniques » ainsi que les définit le professeur Jourdain.

En outre, il faut savoir que si l’on méconnait une règle du jeu instaurée dans un but  de sécurité, la condamnation civile est assurée, mais non à l’inverse.

2) La théorie de la garde en commun

Lorsqu’un accident survient à l’occasion d’un match opposant plusieurs participants, en raison d’un objet passant de l’un à l’autre, (blessure par ballon, palet, balle…) le sport fait l’application d’une théorie très particulière appelée «la théorie de la garde en commun »

On considère que chaque joueur ne garde pas suffisamment longtemps la balle ou le ballon pour pouvoir avoir sur cet objet un pouvoir suffisant de contrôle, susceptible d’engager sa responsabilité.

La théorie de la garde en commun modifie donc les règles de la responsabilité civile classique sur la garde.

3) La notion revisitée de garde pour certaines activités

Enfin la notion traditionnelle de garde est revue pour certains sports lorsque la chose gardée fait corps avec le sportif et qu’on peine à déterminer si c’est le corps du sportif ou la chose qui a concouru au dommage :

En cyclisme, mais encore en ski, la responsabilité du fait des choses s’applique plutôt que la responsabilité du fait personnel, même s’il n’est pas établi que le vélo ou le ski sont réellement entrés en contact avec la victime.

C’est le seul cas où le corps est apparenté à un objet en droit français.

Cette règle a pour objectif de privilégier la victime, en allégeant la charge de la preuve (elle n’a pas de faute à prouver dans le régime de la responsabilité du fait des choses qui est une responsabilité sans faute).

II – la prise de risque inhérente à la pratique sportive renforce dans certains cas la responsabilité des organisateurs d’activité :

Qui dit pratique sportive dit exposition accrue à des risques. Cela suppose donc que des précautions soient prises pour renforcer la protection des pratiquants et des spectateurs.

Cela fait peser sur les organisateurs des obligations renforcées en matière de sécurité et d’information. L’idée est non seulement d’éviter les accidents mais encore d’indemniser correctement les victimes.

Ces exigences sont définies par la jurisprudence.

Il existe donc un régime d’obligation de sécurité qui va de l’obligation de moyens, (renforcée ou pas ) à une obligation de résultat.

L’obligation de moyen pèse sur l’organisateur d’activité physique et sportive (club, fédération) mais il s’agit d’une obligation de moyen renforcée en cas d’activité à risque particulier, si elle s’adresse à des mineurs ou s’il s’agit d’un sport dangereux.

L’obligation de sécurité est en revanche une obligation de résultat si le sportif ou le joueur joue un rôle passif (tel un utilisateur de toboggan aquatique dont la trajectoire est due au toboggan uniquement) et si l’activité s’adresse à de très jeunes enfants.

III – le risque inhérent à l’activité sportive, allège au contraire parfois la responsabilité civile

Enfin la spécificité du sport entraîne une modification du principe de responsabilité en cas de risque, lorsque l’usager ne les ignore pas. Il s’agit de faire en sorte que celui qui s’expose à un risque en assume les conséquences. C’est la « théorie de l’acceptation des risques ».

Elle prévaut dans les sports de contacts et d’engagements physiques tels le rugby ou la boxe où il faut une certaine intensité et gravité dans la faute pour que la responsabilité soit engagée pour fait personnel.

En revanche après une évolution jurisprudentielle et législative, cette théorie ne joue plus lorsqu’une chose est à l’origine du dommage, exceptés pour les dommages matériels. Ce qui signifie que l’auteur voit sa responsabilité engagée pour les dommages corporels qu’il occasionne avec un objet, et ne peut plus échapper à cette responsabilité en arguant que son adversaire a accepté les risques de blessure.

L’article L. 321-3-1 du Code du sport, issu de l’article 1er de la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles dispose  :

« les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l’article 1384 du code civil, à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique».

En conclusion, le droit du sport modifie les règles habituelles de responsabilité civile.